Les petits secrets des grands tableaux (2015)
Les grandes œuvres du passé deviennent de foisonnants témoignages, tissées de secrets et fourmillants de mystères. Derrière la surface de la peinture, les détails s’éveillent pour raconter l’esprit du temps et les soubresauts de l’Histoire : les guerres, les révolutions, les transformations économiques, les découvertes scientifiques, les croyances et les courants d’idées.
Saisons & Épisode
"Le peseur d'or et sa femme" dresse un portrait d’Anvers au XVIe siècle. Sous des airs de simple scène de genre, le peintre Quentin Metsys nous révèle une critique subtile du monde enflammé par la vanité des marchands.
"L'atelier du peintre" nous projette au cœur du Second Empire. Gustave Courbet, quelques années après la révolution de juillet 1848, nous y offre sa vision de la société à travers un réalisme critique dénonçant le pouvoir autoritaire de Napoléon III.
Avec "Une baignade à Asnières" Georges Seurat invente le pointillisme et, derrière les paisibles bords de Seine, saisit par sa technique novatrice les bouleversements économiques et sociaux d’une époque qui se vouent sans limite à la religion du progrès.
Dans "Les Ménines", Diego Velázquez accumule les reflets vertigineux et les échos énigmatiques sur la vie de cour du roi d’Espagne Philippe IV et nous dévoile une peinture qui interroge le pouvoir aussi bien du monarque que celui de l’artiste. Entre illusion et réalité.
Dans "Les noces de Cana", Paul Véronèse transpose le récit biblique du premier miracle du Christ sur la scène d’un fastueux banquet vénitien. Il glorifie sa cité millénaire, festive et débridée.
De son minuscule et délicat pinceau, Jean Fouquet appose les fils d’or d’un humanisme timide sur "Le martyre de Sainte Apolline" et dévoile les lueurs de l’époque moderne tapies derrière l’horizon du Moyen-Âge.
"La dame au bain" de François Clouet, témoigne d’une période où les plaisirs des sens et de l’esprit se mêlent aux conflits religieux pour donner naissance aux canons despotiques de la beauté.
La Révolution gronde : il est urgent d’en finir avec les pamphlets orduriers qui visent "l’Autrichienne". Avec "Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg, reine de France et ses enfants", Élisabeth Louise Vigée Le Brun tente une opération de séduction. Mais il est bien trop tard pour regagner l’amour d’une opinion publique déchaînée.
Alors que la guerre de colonisation rugit, Eugène Delacroix est le premier peintre à franchir la Méditerranée. Le naturalisme de "Femmes d'Alger et leur appartement" nous fait pénétrer dans le calme et la simplicité d’un harem tel qu’Eugène Delacroix l’a vu de ses yeux.
Les racines de "La vie mélangée", comme celles de Vassily Kandinsky sont solidement ancrées dans la terre russe millénaire. Et pourtant, le tableau contient tous les éléments qui accompagneront le peintre dans la plus grande révolution de l’histoire de l’art : le saut dans l’abstraction.
Le sauvage Paul Gauguin peint "D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?" lors de son exil volontaire à Tahiti, paradis perdu défiguré par la folie coloniale. Ce panthéon imaginaire qu’il considère comme son testament moral et artistique signera l’irruption des arts premiers dans l’art moderne.
Le crépuscule du Moyen-Âge est hanté par les terreurs et les superstitions. Pour guérir ce monde défiguré par la souffrance et la fièvre, Jérôme Bosch déploie une spectaculaire magie picturale dans cette oeuvre. De son pinceau, il tente de dompter ses funestes démons.
Au milieu de la Grande Guerre qui met l’Europe à feu et à sang, Ludwig Kirchner, l’un des chefs de file de l’Expressionisme allemand, est en convalescence au sanatorium et peint "Francfort, le port de l'Ouest". Son cauchemar éveillé est le pressentiment de l’effondrement de la machine État-nation.
"La Dame à la Licorne", œuvre anonyme, est un ensemble mystérieux et envoûtant de six tapisseries, considéré comme l’un des chefs d’œuvre de l’art occidental. Métaphore du désir, célébration des cinq sens humains et d’un sixième sens spirituel et humaniste, le fantasme de la licorne magique annonce la fin du Moyen Âge français.
Dans la Florence du Quattrocento, berceau de la Renaissance, Sandro Botticelli, peintre préféré de Laurent de Médicis, dit le Magnifique, signe une majestueuse allégorie du Printemps. Cet hymne à la beauté célèbre un prince qui a choisi d’unir l’art et la science pour hisser sa cité au-dessus de toutes les autres.
Au cœur du Siècle d’Or de la jeune république hollandaise, le peintre Johannes Vermeer quitte un instant la grâce intime de ses figures féminines pour dévoiler, par delà le portrait d’un savant de l’époque, la formidable expansion scientifique et culturelle de son temps, berceau du capitalisme moderne.
Rembrandt, "celui qui fait la nuit avec le jour", signe le chef d’œuvre du siècle d’or néerlandais, transformant par son audace et son génie, le portrait grandeur nature d’une milice civile, en métaphore joyeuse de la puissante et tolérante Amsterdam.
Au début du 19e siècle, le peuple espagnol invente la guérilla dans sa révolte contre l’envahisseur napoléonien, en un conflit dont l’horreur impressionne fortement le témoin de l’époque qu’est Francisco de Goya. Le peintre en tire un tableau qui bouscule les codes du genre, et qui, par sa représentation inédite de la violence, ouvre la voie aux explorations de la modernité à venir.
En inventant le clair-obscur social qui fit scandale, Degas, l’un des chefs de file des intransigeants impressionnistes, fixe avec la précision d’un instantané photographique, une image intime et crue du Paris de la fin 19ème siècle en pleine métamorphose sociale et morale.
À la fin du 18e siècle, le peintre vénitien Bernardo Bellotto met son art de la veduta au service de son hôte Stanislas Auguste Poniatowski, dernier roi de Pologne, qui se bat, face aux archaïsmes et aux pressions étrangères, pour la modernisation du pays et l’élévation de son peuple, posant ainsi les fondements de la nation polonaise actuelle.
À 35 ans, Pierre-Auguste Renoir partage à Montmartre avec ses amis la misère des ouvriers exploités, des artistes désargentés et des prostituées dénigrées, qui se retrouvent le dimanche au bal du moulin de la Galette. Sur la grande toile où il les représente, le peintre met la modernité au service d'une convivialité rayonnante. Sur les hauteurs d'une ville Lumière bientôt capitale du monde, Renoir affirme dans les reflets des étoffes, la douceur des sourires et l'éclat d'un après-midi la force vivante du peuple des invisibles.
L’une des toutes dernières fresques peintes par Domenico Tiepolo dans l’intimité de sa villa familiale, au moment où Bonaparte s’empare de la république libre de Venise, est une vibrante métaphore du destin de sa ville. Le carnaval est interdit, et la capitale des plaisirs, qui faisait la fête des semaines durant pour tenter d’oublier son inexorable déclin, doit dire adieu à l’insouciance...
Trente ans après l'abolition de la traite négrière par le Royaume-Uni, le peintre britannique J. M. W. Turner donne à l'art du paysage une ampleur inédite. Il peint de sa touche tourmentée le portrait d'une Angleterre embrassant les nouveaux paradigmes économiques et scientifiques de la révolution industrielle, prémices d'une future mondialisation aux chaînes non moins sanglantes.