Collection Photo - Arte (2013)
Chaque photographie est une énigme. Un instant enfermé dans un rectangle. Nous ne saurons jamais ce qui s’est passé juste avant, juste à côté. Qu’est-ce qu’il a fallu bouger, ajuster, attendre ou provoquer pour que subitement tous les éléments coïncident dans le cadre et produisent une de ces images qui, une fois vues, ne se laissent plus jamais oublier ?
Saisons & Épisode
Ils s’appellent Man Ray, Dora Maar, Alvarez Bravo, Brassaï, André Kertész, Henri Cartier-Bresson. Ils comptent parmi les plus grands noms de la photographie du XXe siècle. Dans les années 30, leurs images incarnent ce que le surréalisme a de plus intense.
Au milieu du XIXe siècle, vingt-cinq ans après son invention, la photographie est encore considérée comme une simple curiosité scientifique. Mais entre 1850 et 1860 une dizaine de photographes, en France et en Angleterre, vont se battre pour faire admettre que la photographie est un art. Ce sera la décennie des Nadar, Le Gray, Baldus, Robison, Rejlander, Fenton. Les premiers à explorer toutes les possibilités de la création photographique et de ses rapports avec le réel.
Nés dans l'Allemagne des années trente, Bernd Becher et sa femme Hilla se lancent dans une entreprise étrange : faire l’inventaire photographique de bâtiments industriels promis à disparaître : châteaux d’eaux, silos, haut fourneaux... Trente ans plus tard à New York, Andréas Gursky, un élève des Becher, vend pour 600 000 euros sa photographie “99 cents”. L’histoire de ce qu’on appelle l’École de Düsseldorf se joue entre ces deux extrêmes. En l’espace de trente ans, les Becher et leurs « élèves » ont radicalement transformé la pratique photographique.
L’histoire de la photographie ne cesse d’osciller entre deux pôles. D’un côté, l’exploration du réel auquel elle semble naturellement prédestinée, de l’autre la mise en scène, l’invention, l’imaginaire, très marqués par la référence à la peinture et au théâtre.
Le nouveau photographe dont l’avènement est annoncé triomphalement par un critique des années vingt est un phénomène typiquement européen. C’est un cousin de l’homme nouveau que l’Europe espère voir naître des ruines de l’ancien monde, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Cette avant-garde photographique, souvent politiquement engagée à l’extrême gauche, est incarnée par Moholy-Nagy, Umbo, El Lissitzky et Rodtchenko.
La photographie semble être extravertie par nature, faite pour nous montrer la réalité, le monde au large, l’autre. Mais dans les années quatre-vingts, apparaît un mouvement qui cherche à échapper à cette vocation « objective », et à transformer l’appareil photo en carnet de notes du quotidien, en appareil d’introspection, en journal intime. Ce mouvement prendra une dimension radicale sous l’impulsion de photographes qu’on nommera parfois les « diaristes », de l’anglais "diary", journal intime.
Comment produire une image du réel quand on ne sait ni dessiner, ni peindre ? Ce rêve va prendre de multiples directions avant d’aboutir à une invention qui permet de saisir une image exacte du réel, par le seul effet de la lumière. Menés entre 1820 et 1840, les travaux de Niepce, Talbot, Bayard et Daguerre vont révolutionner notre rapport au réel.
La photographie a donnée naissance à une nouvelle mémoire visuelle, faite de milliards d'images. Des photographes vont s’en emparer et faire de la collecte et du détournement de photos prises par d’autres le sujet de leur propre travail. Dans les années quatre-vingts on appellera cela l’« appropriation art ».
Cartier-Bresson, Brassaï, Capa, Koudelka, Lange, Weegee, Smith, Avedon sont parmi les figures les plus célèbres de la photographie du XXe siècle. L'œuvre de ces photographes-auteurs s'est construite à partir des années trente et jusque dans les années cinquante par et pour la presse illustrée. Grâce à elle, leurs images ont connu une diffusion sans précédent.
À partir de 1960, de jeunes artistes redécouvrent la photographie. S’appuyant sur son apparente objectivité, sa facilité d’emploi et sa popularité, ils s’en servent pour contester l’élitisme formel des générations précédentes, et nier les notions mêmes d’artiste et d’œuvre d’art.
La photographie survivra-t-elle au XXIe ? La disparition de l’argentique et les possibilités illimitées du numérique ont bouleversé son rapport au réel. Face à cette nouvelle donne des photographes expérimentent les dernières technologies, tandis que d’autres s’en affranchissent avec une alter-photographie délibérément « Low Tech ».